CAPITAINE LONCHAMPS (BE) - L'ENFANT DE CHINON, 2016
Pour des raisons indépendantes de notre volonté, nous avons été contraints d’annuler à quelques jours de son vernissage, l’exposition "L'enfant de Chinon" de l'artiste belge Capitaine Lonchamps. Lors de la soirée de vernissage, un événement performatif, intitulé « Dommage à Capitaine Lonchamps » a été présenté au public par l’équipe des Brasseurs.
--
Extrait d'un entretien entre Capitaine Lonchamps, Jean-Michel Botquin et Yannick Franck, il sera distribué dans sa totalité tout au long de l’exposition.
Avec l'aimable participation de la galerie Nadja Vilenne (BE)
(...)
CL. Ah oui, et je suis passé de l’autre côté du miroir, ce qui ne rend pas la communication aisée. Parfois on tape sur la vitre en gesticulant vers ceux qui sont de l’autre côté. Cette prise de conscience de mes facultés médiumniques s’est passée, il y a trois ans, dans l’église Saint- Mexme, à Chinon, sur la Loire. Il m’y est arrivé d’amener une « âme » d’enfant dans la lumière, sans savoir que ce que j’étais en train de faire puisse déclencher un tel effet. Tout cela dans le pays de Saint-Martin d’ailleurs. Les images récoltées et enneigées assemblent une sorte de puzzle même.
YF. Je pense au Lord Patchogue du dadaïste Jacques Rigaut. Vous n’avez pas besoin de sauter dans le miroir, vous êtes des deux côtés à la fois.
CL. Après l’enfance, j’avais perdu cette conscience médium instinctive. Par chance j’ai croisé le spiritualisme de Conan Doyle sur ma route, son professeur Challenger aux pays des ombres. Le biais de la littérature m’a rassuré quant aux réalités que je vivais. Qu'y a-t-il de plus formidable ? Mais pas d’outils réels, il fallait tout faire soi-même. À Saint-Mexme, j’ai vu cette chose, un ensemble cohérent d’énergies. Je comprends et je vis ce qu’est la seconde vue, cette capacité de décrypter quelque chose qui n’est pas toujours visible mais qui est devant nous, cette mise en marche de la sensibilité. En fait quand j’enneige ce Delvaux face à la Mort, je suis de son côté du miroir, je ne suis pas en compagnie de la mort qui est enneigée en Snowman. Nous, lui et moi, nous sommes de l’autre côté et nous vous laissons votre mort, qui nous regarde encore et feint de vous ignorer.
JMB. Votre dernier solo, à Château-Gontier en compagnie du cerisiste Jacques Halbert avait pour titre « Le Paradis perdure ». En fait, là, de l’autre côté du miroir, vous prenant même pour Orphée revenant des Enfers - peut-être la figure de l’artiste -, vous êtes en plein dedans. Dante non plus n’est pas loin.
CL. Vous remarquerez que c’est Virgile qui amène Dante aux enfers et dans le purgatoire, mais que c’est Béatrice qui l’amène au paradis. L’amour. Quant à Orphée, j’ai vu celui de Jean Cocteau quand je devais avoir 14 ou 15 ans.
JMB. Oui, bien sûr, le chef d’œuvre absolu.
CL. Je l’ai pris en plein dans la figure. Avec ma petite caméra, à l’époque, j’essayais de filmer comme Cocteau, la caméra à l’envers, me couchant dans un bois, mes camarades me recouvrant de feuilles mortes. La caméra tournait ; puis nous avons mis le film à l’envers, et c’était comme si toutes les feuilles s’envolaient de mon corps. Cette utilisation d’artifices très simples était extraordinaire. Il s’agit là d’entrer dans la poésie par des mécanismes élémentaires.
JMB. Et Jean Marais est aussi Fantômas. Et Cocteau regarde le symbolisme de Gustave Moreau quand il imagine les trucages de La Belle et la Bête et se revendique de Méliès quand il s’agit d’aborder la question de l’artifice.
CL. Jean Marais et François Périer dans le rôle d’Heurtebise. Et la mort d’Orphée qui se condamne au pire par amour pour lui ! Je crois comprendre Orphée, lorsque je revois le film, mais la question cinglante de la Mort lancée à Jean Marais par Maria Casares, « Quand cesserez-vous de vouloir tout comprendre ? » nous rappelle à l’ordre. J’aime ces techniques simples et efficaces du cinéma de Cocteau. L’artifice ne trompe pas le spectateur, il est son complice. Quant au texte de Cocteau, il est parfait. Simple et efficace. Combien l’ont pris pour un imbécile ? André Breton, le premier. La lecture du Journal de Cocteau est édifiante quant à la réception de son œuvre.
JMB. J’entends bien. C’est bien cette idée d’artifice qui m‘intéresse. Le flocon n’a jamais, dans votre œuvre, été atmosphérique. Il est artifice. Sa rareté actuelle me confirme la chose. Le flocon n’est même plus un flocon.
CL. C’est une manifestation.
YF. Le flocon aurait-il déjà été flocon ?
CL. Non. Il n’a jamais été matériel. Je ne suis pas un naturaliste. (Rires)
YF. Vous prenez aujourd’hui un plus grand plaisir à peindre, non ?
CL. Oui cela n’a jamais été aussi grand.
JMB. J’ai pour ma part toujours vu vos Neiges dans une dimension cosmique. C’est presque une équivalence, grand principe pataphysique.
CL. Oui, et il m’a fallu parfois corriger certaines Neiges pour qu’elles ne deviennent pas ciels étoilés. (Rires)
--
Extrait d'un entretien entre Capitaine Lonchamps, Jean-Michel Botquin et Yannick Franck, il sera distribué dans sa totalité tout au long de l’exposition.
Avec l'aimable participation de la galerie Nadja Vilenne (BE)
(...)
CL. Ah oui, et je suis passé de l’autre côté du miroir, ce qui ne rend pas la communication aisée. Parfois on tape sur la vitre en gesticulant vers ceux qui sont de l’autre côté. Cette prise de conscience de mes facultés médiumniques s’est passée, il y a trois ans, dans l’église Saint- Mexme, à Chinon, sur la Loire. Il m’y est arrivé d’amener une « âme » d’enfant dans la lumière, sans savoir que ce que j’étais en train de faire puisse déclencher un tel effet. Tout cela dans le pays de Saint-Martin d’ailleurs. Les images récoltées et enneigées assemblent une sorte de puzzle même.
YF. Je pense au Lord Patchogue du dadaïste Jacques Rigaut. Vous n’avez pas besoin de sauter dans le miroir, vous êtes des deux côtés à la fois.
CL. Après l’enfance, j’avais perdu cette conscience médium instinctive. Par chance j’ai croisé le spiritualisme de Conan Doyle sur ma route, son professeur Challenger aux pays des ombres. Le biais de la littérature m’a rassuré quant aux réalités que je vivais. Qu'y a-t-il de plus formidable ? Mais pas d’outils réels, il fallait tout faire soi-même. À Saint-Mexme, j’ai vu cette chose, un ensemble cohérent d’énergies. Je comprends et je vis ce qu’est la seconde vue, cette capacité de décrypter quelque chose qui n’est pas toujours visible mais qui est devant nous, cette mise en marche de la sensibilité. En fait quand j’enneige ce Delvaux face à la Mort, je suis de son côté du miroir, je ne suis pas en compagnie de la mort qui est enneigée en Snowman. Nous, lui et moi, nous sommes de l’autre côté et nous vous laissons votre mort, qui nous regarde encore et feint de vous ignorer.
JMB. Votre dernier solo, à Château-Gontier en compagnie du cerisiste Jacques Halbert avait pour titre « Le Paradis perdure ». En fait, là, de l’autre côté du miroir, vous prenant même pour Orphée revenant des Enfers - peut-être la figure de l’artiste -, vous êtes en plein dedans. Dante non plus n’est pas loin.
CL. Vous remarquerez que c’est Virgile qui amène Dante aux enfers et dans le purgatoire, mais que c’est Béatrice qui l’amène au paradis. L’amour. Quant à Orphée, j’ai vu celui de Jean Cocteau quand je devais avoir 14 ou 15 ans.
JMB. Oui, bien sûr, le chef d’œuvre absolu.
CL. Je l’ai pris en plein dans la figure. Avec ma petite caméra, à l’époque, j’essayais de filmer comme Cocteau, la caméra à l’envers, me couchant dans un bois, mes camarades me recouvrant de feuilles mortes. La caméra tournait ; puis nous avons mis le film à l’envers, et c’était comme si toutes les feuilles s’envolaient de mon corps. Cette utilisation d’artifices très simples était extraordinaire. Il s’agit là d’entrer dans la poésie par des mécanismes élémentaires.
JMB. Et Jean Marais est aussi Fantômas. Et Cocteau regarde le symbolisme de Gustave Moreau quand il imagine les trucages de La Belle et la Bête et se revendique de Méliès quand il s’agit d’aborder la question de l’artifice.
CL. Jean Marais et François Périer dans le rôle d’Heurtebise. Et la mort d’Orphée qui se condamne au pire par amour pour lui ! Je crois comprendre Orphée, lorsque je revois le film, mais la question cinglante de la Mort lancée à Jean Marais par Maria Casares, « Quand cesserez-vous de vouloir tout comprendre ? » nous rappelle à l’ordre. J’aime ces techniques simples et efficaces du cinéma de Cocteau. L’artifice ne trompe pas le spectateur, il est son complice. Quant au texte de Cocteau, il est parfait. Simple et efficace. Combien l’ont pris pour un imbécile ? André Breton, le premier. La lecture du Journal de Cocteau est édifiante quant à la réception de son œuvre.
JMB. J’entends bien. C’est bien cette idée d’artifice qui m‘intéresse. Le flocon n’a jamais, dans votre œuvre, été atmosphérique. Il est artifice. Sa rareté actuelle me confirme la chose. Le flocon n’est même plus un flocon.
CL. C’est une manifestation.
YF. Le flocon aurait-il déjà été flocon ?
CL. Non. Il n’a jamais été matériel. Je ne suis pas un naturaliste. (Rires)
YF. Vous prenez aujourd’hui un plus grand plaisir à peindre, non ?
CL. Oui cela n’a jamais été aussi grand.
JMB. J’ai pour ma part toujours vu vos Neiges dans une dimension cosmique. C’est presque une équivalence, grand principe pataphysique.
CL. Oui, et il m’a fallu parfois corriger certaines Neiges pour qu’elles ne deviennent pas ciels étoilés. (Rires)